Faut-il faire l'apologie du silence.

 

En parcourant un site consacré à la reproduction sonore, je suis tombé sur une intervention dans laquelle un internaute faisait avec beaucoup de lyrisme l'apologie du silence. En substance il déclamait que le plus grand bonheur qu'il ait connu était le silence de la neige à la montagne l'hiver.
Cela m'a amusé car ce monsieur, sans s'en douter mettait le doigt sur un sujet très intéressant qu'est le silence défini par notre oreille.


A moins de le créer, le silence n'existe pas dans la nature. Il faudrait pour cela supprimer l'air en créant le vide. Le mieux que l'on puisse faire c'est, avec d'importants moyens, créer une chambre sourde. Il s'agit d'un local, généralement suspendu pour les basses fréquences, dans lequel on est isolé intégralement de l'extérieur, mais dans lequel on a supprimé toutes les surfaces réfléchissantes. Pour donner un exemple, la chambre sourde d'Elipson (à Bagneux) dans laquelle j'ai passé de nombreuses heures occupait un espace d'environ 1000 m3 pour un volume utile de quelques m3.


On ne peux pas rester de longues minutes dans le vrai silence d'une chambre sourde. Cela devient une vraie torture. Le seuil de perception de notre oreille décroît pour chercher des informations et découvre les bruits de notre propre corps par une transmission interne. Tournez la tête et vous entendez le craquement de vos vertèbres si ce n'est le glissement de vos vêtements sur la peau. Essayez de parler, vous ne vous entendez que par votre "oreille interne" qui résonne dans votre cerveau.
Nous réussissions à y travailler qu'en laissant la porte ouverte, ce qui nous procurait un peu de "silence humain".


Alors qu'est ce "silence humain" dont notre intervenant faisait l'apologie ? Pour expliquer cela, il faut faire appel au fonctionnement de notre "machine à écouter" comme la définissait si bien Emile Leipp, auquel je me permet d'emprunter les arguments.
Notre capteur (l'oreille) héritée de notre récent passé chasseur et guerrier n'a pas encore eu le temps de se muter pour nos technologies modernes. C'est doucement en train de se faire avec les nouveaux interface numériques. Elle reste donc constituée de trois capteurs primitifs dont les informations seront corrigées et utilisées par une partie de notre cerveau.
Nous nous intéresserons plus particulièrement au capteur centré à environ 400 Hz et dont la fonction première est de définir notre environnement. C'est lui qui, en l'absence d'autres informations, vue ou toucher, nous donne une précieuse indication du volume et de la texture du lieu dans lequel nous nous trouvons. Tout local a une résonance propre liée à sa dimension. Le plein air n'a pas de résonance propre ou plutôt elle est infinie. Donc note cerveau ne reçoit pas d'information, il se repose et reste silencieux !


Ainsi le fameux silence auquel fait allusion monsieur X, n'est qu'un mélange de différents bruits qu'un appareil de mesure pourra identifier de 60 à 75 dB (si l'on fait une mesure non pondérée). Il possède la particularité d'être composé de différents bruits entremêlés de manière à ne pas interpeller notre système auditif qui décode donc un silence.


Ce silence humain, nous l'appellerons ainsi, contribue entre les notes à la vie d'une certaine musique "live". C'est ce qui explique que des musiques compressées perdent toute vie à l'écoute sur des enceintes, alors qu'elles étaient excellentes au casque ! Ou encore que certaines chaînes audiophiles incapables d'une restitution à bas niveau projettent le son sans restituer aucune ambiance.


Alors peut-être monsieur X n'avait-il pas complètement tort en évoquant maladroitement les qualités d'un bruyant silence.

Jean-Claude Tornior